FR/BG Avant-propos
Dans tous nos ouvrages – Śrīmad-Bhāgavatam, Śrī Īśopaniṣad, etc. – le verset sanskrit original est suivi de sa translittération, de sa traduction accompagnée des équivalences de chaque mot, puis d’une exégèse détaillée. Ainsi, non seulement l’Écrit garde-t-il son authenticité et son haut niveau d’érudition, mais encore la teneur du savoir étendu qu’il renferme devient-elle évidente et aisément accessible.
Nombre d’érudits et de dévots ayant émis le souhait de nous voir présenter ainsi la Bhagavad-gītā en une édition complète, nous nous efforçons aujourd’hui de répondre à leur requête en leur offrant ce grand livre qui contient l’essence du savoir et des commentaires en tous points conformes à la paramparā, donnant au Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa de solides assises.
Ce mouvement est parfaitement authentique, historiquement bien ancré, naturel à l’âme et totalement spirituel car il s’appuie sur la Bhagavad-gītā telle qu’elle est. Il est en train de devenir très populaire dans le monde entier, notamment chez les jeunes, mais les générations plus anciennes commencent également à s’y intéresser. Ainsi, les parents et les grands-parents de nos disciples nous encouragent en devenant membres. Nombre de pères et de mères sont venus m’exprimer leur gratitude pour avoir répandu ce mouvement à travers le monde. Certains d’entre eux estiment même que c’est une grande chance pour l’Occident. Mais en vérité, la paternité de ce mouvement revient au Seigneur Lui-même, Kṛṣṇa, car c’est Lui qui le créa au début des temps et le fit parvenir jusqu’à nous grâce à une succession de maîtres. Si quelque mérite nous est attribué pour la fondation et la conduite de ce mouvement, il revient en fait à notre maître spirituel éternel, Oṁ Viṣṇupāda Paramahaṁsa Parivrājakācārya 108 Śrī Śrīmad Bhaktisiddhānta Sarasvatī Gosvāmī Mahārāja Prabhupāda.
Notre seul mérite personnel est d’avoir essayé de présenter la Bhagavad-gītā telle quelle, sans l’altérer. Car la presque totalité des éditions qui précédèrent la nôtre furent introduites en Occident sur la base de quelque ambition personnelle. En ce qui nous concerne, nous avons tenté, en présentant la Bhagavad-gītā telle qu’elle est, de transmettre le message de Kṛṣṇa, de Dieu, la Personne Suprême. Nous n’avons d’autre dessein que de faire connaître la volonté de Kṛṣṇa, plutôt que les spéculations de politiciens, savants ou philosophes, qui, en dépit d’un vaste savoir, n’ont guère connaissance de Kṛṣṇa. Lorsque dans la Bhagavad-gītā, Kṛṣṇa dit : man-manā bhava mad-bhakto mad-yājī māṁ namaskuru, nous ne prétendons pas, à l’instar des pseudo-érudits, que s’exprime ici l’Esprit universel qui réside en Kṛṣṇa et non Kṛṣṇa Lui-même. Kṛṣṇa étant absolu, il n’existe aucune différence entre Son nom, Sa forme, Ses attributs, Ses divertissements et Sa personne. Pour autant, cette nature absolue de Kṛṣṇa est très difficile à appréhender pour qui n’est pas Son dévot et n’appartient pas à la paramparā (succession disciplique de maîtres).
En général, les prétendus érudits, philosophes et svāmīs, ou même politiciens, qui commentent la Bhagavad-gītā ont une maigre compréhension de Kṛṣṇa et tentent de L’écarter ou de L’occulter. Śrī Caitanya nous met en garde contre ces commentaires non autorisés, connus en Inde sous le nom de māyāvāda-bhāṣya. Il explique clairement que quiconque essaie de comprendre la Bhagavad-gītā en se référant à la pensée māyāvādī commet une grossière erreur. Ainsi égaré, l’étudiant finit par se détourner de la voie spirituelle et n’est plus en mesure de retourner à Dieu, en son éternelle demeure.
En présentant la Bhagavad-gītā telle qu’elle est, nous n’avons pas d’autre motivation que d’offrir à l’étudiant encore conditionné une direction spirituelle qui le mènera au but que Kṛṣṇa propose aux êtres vivants, lorsqu’en chaque jour de Brahmā (c’est-à-dire chaque cycle de 8600000000 d’années) Il descend sur notre planète. Cette destinée est parfaitement décrite dans la Bhagavad-gītā et nous devons la reconnaître comme telle, faute de quoi, on s’évertuera en vain à essayer de comprendre l’ouvrage, tout comme on cherchera vainement à connaître Celui qui l’énonça, Kṛṣṇa. Il y a des centaines de millions d’années, le Seigneur enseigna en tout premier lieu la Bhagavad-gītā au deva du soleil. C’est un fait qu’il faut accepter pour comprendre la signification historique de celle-ci sans faussement l’interpréter, sur la base de l’autorité de Kṛṣṇa. Interpréter la Bhagavad-gītā sans se référer à la volonté du Seigneur, c’est commettre la plus grande des offenses. Aussi, afin de se garder d’un tel outrage, on doit, comme le fit directement Arjuna, Son premier disciple, comprendre que Kṛṣṇa est Dieu, la Personne Suprême. Saisir ainsi le sens de la Bhagavad-gītā constitue la voie authentique, dont on peut affirmer qu’elle est la plus propice au bien-être de la société, car elle permet à l’homme de s’acquitter de la mission qui lui est échue en tant qu’être humain.
La voie de la conscience de Kṛṣṇa est essentielle pour la société humaine car elle offre d’atteindre la perfection de l’existence. Comment ? C’est ce qu’explique dans tous les détails la Bhagavad-gītā. Malheureusement, certains ergoteurs matérialistes se sont servis de la Bhagavad-gītā pour légitimer leurs vues démoniaques et détourner les hommes du juste entendement des principes de base de la vie. Or, chacun est tenu de connaître la grandeur de Dieu, de Kṛṣṇa, de même que la véritable position de l’être vivant. Il convient de savoir que l’être doit éternellement servir quelqu’un, et qu’à moins de servir Kṛṣṇa, il lui faut servir l’illusion, sous les diverses formes qu’engendre la combinaison des trois modes d’influence de la nature matérielle, et ainsi errer perpétuellement, prisonnier du cycle des morts et des renaissances, auquel même le māyāvādī – soi-disant libéré – reste soumis. Ce savoir est une grande science, qu’il est dans l’intérêt de tout homme d’assimiler.
En cet âge de Kali, la plupart des gens sont fascinés par l’énergie externe de Kṛṣṇa. Ils sont persuadés que s’ils parviennent à accroître les commodités matérielles de la vie, ils trouveront le bonheur. Ils mésestiment la puissante nature matérielle qui emprisonne les êtres dans ses lois rigoureuses. L’être vivant fait partie intégrante du Seigneur. C’est pourquoi il ne saurait trouver le bonheur autrement qu’en servant le Seigneur, autrement qu’en remplissant sa fonction originelle. Ensorcelé par l’illusion, il s’efforce pourtant d’accéder à ce bonheur en servant ses sens de diverses façons, et invariablement, il échoue car la plus haute perfection de l’existence consiste à servir les sens du Seigneur plutôt que les siens propres. Ce commandement du Seigneur est l’idée maîtresse de la Bhagavad-gītā. Il faut comprendre ce message essentiel que le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa s’efforce d’enseigner au monde. Du fait que nous n’altérons aucunement la Bhagavad-gītā, quiconque veut sincèrement tirer le meilleur parti de son étude doit recourir à notre mouvement. Alors parviendra-t-il, sous la conduite personnelle du Seigneur, à un entendement pratique des enseignements qu’elle contient. Nous souhaitons donc vivement que par l’étude du présent ouvrage, la Bhagavad-gītā telle qu’elle est, chacun puisse obtenir le plus grand des bienfaits. Même si un seul homme, grâce à elle, devient un pur dévot du Seigneur, nous considérerons que nos efforts ont été couronnés de succès.
A. C. Bhaktivedanta Swami 12 Mai 1971 Sydney, Australie